La querelle entre amateurisme et professionnalisme (1933-1942)

Durant les années 30-40, l’opposition entre amateurisme (Lyon) et professionnalisme (Saint-Étienne) est très marquée, comme le révèle E. LE-GERMAIN et P. GROS (« Le football et sa professionnalisation tardive à Lyon : de la confidentialité à la notoriété 1918-1964, in STAPS, n° 68, février 2005, pp. 7-23.).

  • Culture : Durant cette période, Lyon reste influencée par la politique pro éducative d’Edouard Herriot et du Professeur Latarjet contre le sport de haut niveau qui plus est professionnel. Sans doute aussi, l’implantation très forte de sociétés catholiques, tout autant que laïques, peu enclines à favoriser le développement du football professionnel à Lyon, tout comme les maigres résultats des clubs lyonnais empêchent l’émanation de cette nouvelle forme de sport. Le mercenariat et le vedettariat, que Saint-Étienne notamment épouse au travers de « l’Equipe des Millionnaires », sont vivement rejetés par les dirigeants lyonnais qui ne voient pas d’un bon œil l’arrivée d’étrangers. Les villes côtières, frontalières ou encore Saint-Étienne avec la sidérurgie et les mines encouragent l’immigration, alors que Lyon s’attache à maintenir un savoir-faire et des procédés locaux de production (les canuts).
  • Football : Le 1er derby professionnel a lieu à Lyon le 24 septembre 1933, il oppose le FC Lyon (club omnisport, au sein duquel Henri Cochet est licencié en tennis) à l’ASSE. Un premier déplacement est organisé par les Stéphanois avec RV au  « café des Colonnes ». Les Lyonnais s’imposent 2 à 0. 2 anciens Stéphanois font partie de l’effectif lyonnais (Reynaud et Vocard). Lors du match retour prévu le 24 décembre, le match est reporté car Geoffroy Guichard est impraticable, les Stéphanois s’imposent 1 but à 0 à la suite d’un penalty sifflé à la 1ère minute par M. Meunier… qui passait à l’occasion son examen pratique d’arbitrage. Si l’opposition est en marche… elle demeure encore peu populaire. Seulement 450 personnes assistent à cette rencontre. Dernier du championnat de D2, le FC Lyon se retire du professionnalisme et c’est l’AS Villeurbanne qui reprend le flambeau. Les Stéphanois, professionnels à temps plein, s’imposent lors des 2 matches à G. Guichard et au stade des Iris (4-0 et 2-1), au cours de la saison 34-35 après un repas gastronomique chez la « Petite mère Bocuse ». Lors de la saison 35-36, l’AS Villeurbanne fusionne avec le LOU pour former le Lyon Olympique Villeurbanne. Le 6 octobre 35 à Saint-Étienne, les « Verts » s’imposent 3 à 0, mais une réclamation est portée à l’encontre de la qualification du joueur stéphanois BUCHOUX, le match est donné à rejouer sur terrain neutre à Saint-Ouen. Mais le match retour au stade des Iris se termine par des incidents : menaces contre l’arbitre, des bagarres éclatent entre joueurs-arbitres-dirigeants. Le référé est évacué par Police secours. 2 joueurs lyonnais se battent entre eux. Enfin, un dirigeant du LOV dérobe la recette pour payer ses joueurs et refuse le partage avec l’ASSE et la Fédération. Ce dimanche 29 mars 1936 sonne la mort du football lyonnais professionnel jusqu’au 18 octobre 42. 

Durant cette période, le derby se cristallise autour de l’opposition entre professionnalisme et amateurisme. Lyon = pluralité (club omnisport, omni villes, omni terrains, omni dénominations, etc.) contre l’unité symbolisée par l’ASSE (un club, une ville, un terrain, un statut, etc.). L’amateurisme bourgeois se heurte au professionnalisme prolétarien… avant-goût des derbys futurs ?