Saint-Romain-en-Jarez : 27 juin-17 juillet 1945
Elise Laplace, institutrice à Saint-Etienne et dans les alentours, raconte ses débuts dans la profession en 1945.
Ce fut ma dernière suppléance de cette première année scolaire d'enseignante. A la veille des grandes vacances, j'étais gâtée. Le temps était splendide. C'est à bicyclette que je rejoignis ce petit village que mes parents appelaient Saint-Romain-les-Pommes et dont le nom officiel en 1793 était Saint-Romain-les-Vergers, nom qu'il méritait bien, sis qu'il était entre vignes et vergers.
Je trouvai une classe unique. Je ne sais plus quel était son effectif réel car seuls les enfants du bourg se présentèrent à l'école. Ceux qui vivaient dans les écarts, dans des exploitations agricoles, participaient à la récolte des fruits, richesse du pays, qui battait son plein. Je savais que c'était la saison des pêches, car elle abondaient dans le petit verger qui faisait partie du domaine de l'école.
Sitôt la classe finie, ma préparation pour le lendemain faite, les cahiers corrigés, je retrouvais avec plaisir les pêches mûres à point. Elles furent la base de ma nourriture pendant mon séjour à Saint-Romain que je ne quittais que le jeudi et le dimanche pour rentrer dans ma famille. Ce verger avait une telle importance à mes yeux que j'en ai oublié l'école elle-même où je logeais. Il était comme la récompense, la détente, après une journée de travail.
Malgré les absences, il n'était pas question de baisser les bras par respect pour les élèves, les familles et l'école laïque. La concurrence de l'école privée était en effet redoutable dans ce village rural. Heureusement j'avais acquis une expérience si minime fût-elle des classes uniques, bagage suffisant pour ne pas passer pour une fumiste auprès des familles que je n'eus pas l'occasion de rencontrer.
Elise Laplace
Septembre 2015